Musée du Louvre, aile Richelieu, 2e étage, salle 14
Huile sur toile, 85 x 121 cm
Poussin traite ce thème à deux reprises ; il s’agit ici de la seconde version, plus austère, qui relate toujours la découverte par des bergers, en pleine nature, d’un tombeau sur lequel est gravé l’épitaphe Et in Arcadia Ego, sujette à de nombreuses interprétations, selon qu’on prête ces mots à la Mort, au mort dans le tombeau, à la Beauté…
Une commande et une histoire incertaines
La commande du tableau et son histoire avant 1685, date de son entrée dans les collections de Louis XIV, demeurent encore incertaines.
Le tableau aurait été inspiré, selon Bellori, par le cardinal Rospigliosi, futur Clément IX. On ignore si Rospigliosi en fut le commanditaire mais il aurait au moins suggéré à Poussin « l’idée d’une réflexion sur la mort, sur le tombeau et sur le temps »¹.
L’oeuvre aurait par la suite appartenu à Henri Avice, ingénieur militaire², avant d’entrer dans les collections de Louis XIV.
Une datation discutée
La date de cette seconde version des Bergers d’Arcadie a été discutée, mais on considère aujourd’hui que le tableau a été réalisé autour de 1640. Pierre Rosenberg écrit dans le catalogue de l’exposition de 1994³ : « L’accord semble aujourd’hui fait pour la considérer comme réalisée peu avant le départ pour Paris en 1640, vers 1638. La comparaison avec le Moïse Sauvé des Eaux de 1638, la monumentalité des figures disposées comme autant de sculptures, la conception du paysage, l’esprit même du tableau, tout porte à accepter sans réserve cette date, en tous cas à refuser toute datation postérieure au retour de Rome. »
Ci-dessous un détail de l’oeuvre :
De nombreuses interprétations
L’oeuvre a été décrite par Bellori sous le titre « La Félicité sujette à la Mort » :
« La troisième poésie morale est dédiée à la mémoire de la Mort au milieu de la prospérité humaine. Il a feint un pasteur de l’heureuse Arcadie, lequel, un genou ployé à terre, montre et lit l’inscription d’un tombeau, en laquelle ces mots sont inscrits : et in Arcadia ego. Ainsi un tombeau se trouve-t-il même en Arcadie, et la mort vient-elle au milieu de la félicité. Voici derrière un jeune homme enguirlandé qui s’appuie à ce tombeau et regarde, attentif et méditant, et un autre, en face, s’incline et montre les paroles écrites à une belle Nymphe légèrement parée, qui tient la main sur son épaule, et regarde et suspend son rire, s’abandonnant à la pensée de la mort. »
Pour Théophile Gaultier (1811-1872), le tableau des Bergers d’Arcadie du Louvre exprime avec une naïveté mélancolique la brièveté de la vie et réveille, parmi les jeunes pâtres et la jeune fille qui regardent le tombeau rencontré dans la campagne, l’idée oubliée de la mort.
L’oeuvre a depuis fait l’objet de nombreuses analyses. Erwin Panofsky, fasciné par le thème de l’Arcadie, a notamment publié un essai sur le tableau en 1936, repris en 1957 sous l’intitulé « Et in Arcadia ego : Poussin et la tradition élégiaque ».
Notes
1. Et in Arcadia Ego de Jean-Louis Vieillard-Baron page 15
2. Le dessin ou la couleur ? Une exposition de peinture sous le règne de Louis XIV, note ao pages 145-146
3. Catalogue de l’exposition de 1994, de Pierre Rosenberg et Jean-Louis Prat, pages 51, 284